Mon intervention en réponse au discours de politique générale

Retrouvez ci-dessous mon discours à la suite de la déclaration de politique générale du Premier ministre François Bayrou : 

Madame la présidente,

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers collègues,

C’est dans un style littéraire que vous êtes venu nous présenter votre promesse française, votre déclaration de politique générale.

Cette signature vous offre le confort du flou, un abri précieux face à l’instabilité qui règne ici depuis la dissolution.

Nous ne disposions jusqu’alors, depuis près d’un mois, que de votre casting. À l’heure où nous sillonnons la France, de vœux en vœux, de commune en commune, l’honnêteté m’oblige à dire qu’il n’avait pas convaincu.

Mais ces derniers jours, vous avez pris une première décision notable par rapport à votre prédécesseur. Vous avez choisi de ne pas placer votre destin dans les mains du Rassemblement national. Vous avez fait mine, avec Monsieur le ministre de l’Économie, que je salue particulièrement, de privilégier le front républicain. Vous semblez, en somme, tirer les conséquences du second tour des élections législatives de juillet dernier. Je souhaite que la main tendue à la gauche de gouvernement soit durable.

Vous avez d’abord proposé de remettre sur le métier la réforme des retraites. Vous tentez aujourd’hui, tardivement, d’en corriger le premier écueil : celui de ne pas avoir convaincu sur les besoins de financement. Vous proposez d’en saisir les partenaires sociaux pour trouver une alternative. L’une des plus connues, et la meilleure, c’est la retraite par points. Cela fait cinq ans que nous aurions déjà dû la mettre en place.

Au-delà de cette annonce, vous avez égren des orientations davantage que des mesures ou un calendrier parlementaire.

Parmi celles-ci, j’ai noté que vous placiez l’éducation au-dessus de tout.

J’ai apprécié aussi la façon dont vous repreniez à votre compte la lutte contre l’assignation à résidence comme mal principal du désespoir et du sentiment de relégation. J’ai relevé la juste autocritique que vous dressiez, parfois maladroitement en référence au jardinage, du tri social que constitue l’orientation précoce des élèves.

Je n’ai, en revanche, pas compris si vous comptiez renoncer à la suppression de 4 000 postes d’enseignants, soit 100 classes de moins pour un département comme le mien. Je ne sais pas si vous comptez retravailler sur le déficit d’attractivité de la profession d’enseignant, notamment sur leur revenu. J’ignore ce que vous comptez faire en matière de mixité scolaire ainsi que sur le choc des savoir, qui est un fiasco.

Vous avez fait du budget une urgence. Son adoption est, en effet, une urgence pour tous.

J’ai été attentif à votre plaidoyer contre les hausses d’impôts ou de cotisations. Ces déclarations me semblent en décalage avec la demande profonde de justice fiscale qui gronde dans notre pays. Que ferez-vous des légitimes efforts demandés, par les précédentes copies, aux plus fortunés et aux plus grandes entreprises ? Quelles sont vos intentions au sujet de la bonne idée venue de vos rangs d’une fiscalité plus juste sur le patrimoine, à l’image du relèvement du prélèvement forfaitaire unique ?

À peine avons-nous eu plus de réponses en matière de santé. Je prends acte, avec bienveillance, de la hausse notable annoncée de l’ONDAM, de votre refus de déremboursement des médicaments, ou de la consécration de la santé mentale comme grande cause nationale. Mais nous devons en savoir plus.

Nous avons tout juste pu mesurer une ambition écologique supérieure à celle présentée devant nous il y a quatre mois. Cela n’occulte pas les questions que vous avez posées, sans y répondre, sur le financement de nos infrastructures de transport ou sur vos intentions en matière de rénovation urbaine et de construction de logements.

Au travers de votre déclaration d’amour aux territoires et à la différenciation, vous vous êtes gardé de nous dire votre ambition en la matière. Tout juste nous avez-vous fait part de votre intérêt pour les territoires ultra-marins.

C’est, au fond, en matière régalienne que vous avez cédé à la facilité.

Je note cependant votre attachement à l’autorité de l’État et à l’État de droit, ce qui n’était pas si clair pour la précédente équipe et qui demeure en suspens par le maintien de votre confiance à Monsieur le ministre de l’Intérieur.

Cet attachement impliquerait d’ailleurs un engagement ferme à respecter les lois de programmation du ministère de l’Intérieur, de programmation militaire, et d’orientation du ministère de la Justice.

Garantissez-vous l’emploi promis des policiers, des gendarmes, des magistrats, des greffiers, des agents pénitentiaires ? Le précédent budget, lui, prévoyait des schémas d’emplois nuls.

Vous avez donné quitus au groupe de l’ex-majorité sur sa proposition de loi sur la justice des mineurs ; ignorez-vous que celle-ci a été largement réécrite par la commission des lois pour sauvegarder les principes de l’ordonnance de 45 et du code de justice pénale des mineurs ?

Vous vous êtes inquiété de l’appréciation de l’immigration par nos concitoyens, notamment en proportion de la population. Pourquoi ne pas défendre le chiffre annoncé ce jour d’une baisse de 38 % des entrées irrégulières sur le terrain européen en 2024, soit 239 000, un plus bas depuis 2021 selon Frontex ? Pourquoi, sauf à flatter la droite qui ne vous a jamais aidé, laisser l’ambiguïté s’installer sur une nouvelle loi immigration dont personne n’a besoin ?

Devons-nous par ailleurs comprendre de votre soutien à l’intégration que vous souhaitez finalement, et enfin, régulariser de droit les travailleurs dans les métiers en tension comme le prévoyait initialement la loi de 2023 ? Vous l’avez évoqué en creux, mais vous savez, au fond, que l’industrie européenne, comme la médecine, en auront cruellement besoin.

Quant à Mayotte, bien qu’il y ait mille choses à faire avant d’aborder le droit du sol, je vous invite à relire un auteur parfois brillant, bien qu’inconstant, qui écrivait il y a un an dans Le Monde : « Croire que le droit du sol est responsable de la situation à Mayotte est une erreur d’analyse. »

Monsieur le Premier ministre, votre déclaration de politique générale était finalement peu lisible. C’est peut-être une stratégie pour durer, mais il vous faudra sortir de l’ambiguïté.

C’est donc à l’aune de vos actes que nous pourrons vous juger."

Et retrouvez-le en version vidéo : 

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