Invité par le Parlement des étudiants de Sciences po, j’ai eu l’honneur de participer, aux côtés de Karim Bouamrane, Aurélien Rousseau et Clément Beaune, à une conférence sur l’avenir de la social-démocratie. Et qu’on se le dise : ce courant politique est porteur d’espoir pour nombre de nos concitoyens qui gardent le passage de Lionel Jospin à Matignon comme l’un des derniers moments où nous avons été collectivement heureux.
Les initiateurs de la conférence nous appelaient à définir sobrement et succinctement cette sensibilité politique. M’essayant à l’exercice, j’ai esquissé au moins cinq marqueurs : la préférence pour l’égalité réelle, c’est-à-dire l’équité, par rapport à l’égalitarisme républicain, l’acceptation de l’économie sociale de marché quand une autre partie de la gauche se revendique anticapitaliste, la reconnaissance du rôle central des partenaires sociaux dans la construction du contrat social, quand celui-ci se révèle plus juste que la loi, l’acceptation de transferts de souveraineté aux entités supra-étatiques comme l’Union Européenne pour mieux contraindre les entreprises et réguler la mondialisation et la préservation du fragile équilibre entre les libertés publiques et l’ordre républicain.
Ce sont de mon point de vue ces principes cardinaux et cette boussole qui manquent aujourd’hui à la politique, qui lui font perdre la cohérence et in fine le soutien de nos concitoyens.
C’est aussi un rempart contre l’idée populiste et dégagiste du « on a tout essayé ». Nous n’avons pas tout essayé car nous nous sommes arrêtés en chemin. Nous n’avons pas essayé l’égalité et la mixité sociale à l’école car nous ne sommes pas allés au bout des rythmes scolaires et des plans proposés par Vincent Peillon, Najat Vallaud-Belkacem et Pap Ndiaye. Nous n’avons pas tout essayé car nous n’avons pas fait la seule réforme des retraites qui avait du sens, celle inspirée par les organisations syndicales salariées comme la CFDT et l’UNSA, l’instauration d’un régime universel par points qui permet des départs anticipés et reconnaît la pénibilité des carrières.
Et puis, il y a cette droiture que nous avons voulu partager. Celle de l’opposition ou plutôt du refus de l’abandon à la posture populiste qui est l’apanage de certains partis de gauche ou d’extrême droite aujourd’hui. Cette volonté d’une partie de la classe politique de privilégier la polémique à la proposition, le scandale à la solution.
Nous étions unanimes hier : le renouveau de la gauche passera par la reconstitution d’un mouvement social-démocrate, capable d’allier justice sociale, réalisme économique et dialogue ! Ce projet doit primer sur les ambitions personnelles bien que le leadership soit toujours déterminant pour emporter ensuite les élections. Ce projet doit aussi nous permettre de mener des combats qui, de premier abord, seraient impopulaires à l’image de la régulation des travailleurs dans les métiers en tension, sujet sur lequel nous avons su convaincre une majorité de Français (60% favorables fin 2023 alors qu’ils n’étaient pas plus de 40% à l’été 2022). Parce que faire de la politique, ce n’est pas puiser les sujets que l’opinion publique plébiscitent pour en faire une politique publique mais convaincre l’opinion publique qu’une proposition est utile et juste et la consacrer comme politique publique.
Pour parvenir à cela, il appartiendra à chacun, membre du Parti socialiste, de Place Publique, de la Convention, anciens macronistes de mettre son étiquette dans sa poche au profit de l’intérêt du pays pour bâtir une coalition alternative. C’est celle-là qui battra le RN dans les urnes et dans les têtes.
Pour avoir permis cette discussion, je remercie chaleureusement les étudiants de Sciences Po pour leur accueil et pour leur engagement par leurs questions concrètes !