Face aux crises, l’homme se rend soudain compte qu’il est peu de choses. C’est alors que l’angoisse, la peur ou l’impatience le conduisent à exiger des solutions simplistes et des réponses rapides, qu’importe le prix à payer.

Dans ces instants, les bonnes volontés sont nombreuses et les mauvais conseils sont légion.

Le suivi des données des personnes infectées est une réponse dangereuse et condamnable. La collecte des informations personnelles des utilisateurs de téléphones mobiles ou de montres connectées revient à placer l’ensemble de la population sous bracelet électronique, et de les rendre, sinon coupables, à tout le moins tous suspects. Peut-on se résoudre à voir des mesures anti-terroristes entrer dans notre vie quotidienne ? Je ne le crois pas.

Le droit comparé n’est à mon avis d’aucun secours. Qu’importe que la Corée, Taïwan ou Singapour s’y livrent, sommes-nous prêts à copier tous les modes de vie parce qu’ils sont prétendument efficaces ? Sommes-nous prêts à travestir le fondement de nos sociétés européennes à la première difficulté ?

Nous ne figurons pas au rang des sociétés qui font prévaloir un collectif indistinct aux individus qui le composent. Je ne le regrette absolument pas, c’est notre modèle qui permet d’arborer et de valoriser nos différences. Je n’entends pas l’abandonner, encore moins pour un avenir incertain et la promesse probablement factice d’un lendemain qui chante.

L’argument d’efficience s’impose ensuite dans la bouche de ceux, techniciens ou savants, qui prônent la géolocalisation ou le suivi des données personnelles. Je suis convaincu que le politique ne saurait, sans se déshonorer, suivre leurs recommandations en matière de tracking.

A supposer même que chaque individu soit pourvu d’un téléphone ou d’une montre (ce qui n’est pas le cas des personnes les plus âgées et donc les plus fragiles), ou que la couverture mobile du territoire soit totale (ce qui n’est pas non plus le cas), la fiabilité d’un tel dispositif est une illusion. Comme le confinement, ce dispositif repose sur le consentement des personnes et l’activation des données. Or, s’y soumettre m’apparaît à moi, comme à d’autres je l’espère, inacceptable.

Accepter le suivi de ses données par les autorités publiques, c’est enterrer le fondement même de la police administrative qui, par principe, doit être strictement nécessaire et proportionnée au but poursuivi. Ainsi, généraliser le suivi de la population excède, dans l’espace, dans le temps et dans la nature même de l’opération, tous les motifs d’intérêt général pouvant le justifier, même celui de la protection de la santé publique. Georges Orwell a-t-il vainement écrit ?

Faire croire aux Français, ou même aux Européens, qu’il pourrait y avoir un tracking vertueux est, de mon point de vue, un mensonge. Cela reviendrait à capituler devant le savoir qui peut – nous le savons depuis longtemps – nous conduire à accepter petit à petit l’autoritarisme puis le totalitarisme. Que n’avons-nous pas accepté au motif que c’était possible ou que c’était la loi ? Stanley Milgram ne nous a-t-il rien enseigné ?

L’habillage de la volonté n’est pas davantage recevable. Même consentie, la collecte des données aux fins de suivi est condamnable et l’on sait depuis longtemps que la servitude peut être volontaire. Et quand la peur frappe à la porte, qui peut croire que l’expression du consentement n’est pas viciée ! Etienne de la Boétie ne nous a-t-il rien appris ?

Fort heureusement, l’édifice constitutionnel, alternativement critiqué ou encensé, nous protège pour l’instant par son article 34 de ces errements.

C’est pourquoi, parlementaire, je refuserai toute initiative conduisant au suivi, à la géolocalisation ou à la collecte des données. Si des mesures de déconfinement doivent être adoptées, adoptons-en qui soient réversibles, dé-confinons par zone, par catégories de la population les plus sensibles mais restons fidèles à notre modèle de société.

https://www.lejdd.fr/Politique/le-depute-en-marche-sacha-houlie-tracking-geolocalisation-pourquoi-je-suis-contre-3960386?Echobox=1586253018

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