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Asile et Immigration : Comprendre les enjeux au-delà des passions.

By 27 avril 2018juin 17th, 2020No Comments

Dimanche 22 avril, l’Assemblée adoptait en première lecture le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Ce texte s’inscrit dans une action globale conduite pour mieux accueillir ceux qui sont éligibles, lutter davantage contre l’immigration irrégulière et créer, enfin, une politique d’intégration dans notre pays.

 

En raison de nombreux conflits en Afrique, au Proche et au Moyen Orient, au regard de difficultés économiques persistantes, de nombreuses personnes ont, ces dernières années, pris la route de l’exil. Ainsi, en France, le nombre de demandeurs d’asile a progressé de 63.000 en 2013 à 100.000 personnes en 2017. Parallèlement, sur des fondements économiques, familiaux ou de vie privée, ce sont 262.000 titres de séjour qui ont été délivrés dans notre pays en 2017[1].

Cette situation chiffrée décrit mal ou peu les réalités qui sont celles de notre pays.

D’abord, le délai de traitement des demandes d’asile est excessivement long : 14 mois que nous avons souhaité ramener à 6 mois entre le moment où la personne demanderesse se présente en préfecture et l’issue de la procédure (décision en appel auprès de la Cour nationale du droit d’asile). Ensuite, les personnes dont aucun droit n’a été ouvert, ni au titre de la protection par l’asile, ni au regard d’un titre de séjour (carte de séjour temporaire, pluriannuel ou de résident) demeurent sur le territoire national, sans perspective puisque dans l’irrégularité. Enfin, comme l’indiquait mon collègue Aurélien Taché dans son rapport, « la politique d’intégration est un angle mort de nos politiques publiques » : on se borne à délivrer un bout de papier plutôt que de chercher à intégrer les gens par la langue ou par le travail.

Avant même l’examen de ce texte, de nombreuses actions ont été entreprises par le Gouvernement et la majorité :

    • Une mobilisation sur le plan international avec l’ouverture de négociations avec les pays d’origine pour que ces derniers réadmettent leurs ressortissants. En effet, il est impossible de reconduire des personnes si le pays d’origine n’autorise pas le retour.
    • Une mobilisation humanitaire dans le cadre du G5 Sahel avec l’examen de demande de ressortissants Ethiopiens, Somaliens, Erythréens depuis le Niger et le Tchad et une réinstallation par les autorités françaises. Elle présente le double avantage d’examen des demandes sur place et de court-circuit des filières de passeurs et des milices en Lybie.
    • Une action européenne avec la reconduite de programme telle que la mission Sophia qui porte secours à ceux qui prennent la mer et qui participent au démantèlement des réseaux de passeurs ; j’ai visité le QG de cette opération lors d’un récent voyage à Rome,
    • Un investissement budgétaire dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2018 avec le renforcement des moyens de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) pour un meilleur traitement des demandes. 8.000 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile ont également été votées et s’ajoutent aux 80.000 existantes.

 

Ces politiques publiques sont complémentaires du texte que nous avons voté. La critique de la politique migratoire est aisée tant les choses dysfonctionnent mais elle ne saurait paralyser l’action publique. Ce texte est donc parti de constats : on accueille mal, on reconduit peu, on n’intègre pas.

 

Accélérer le traitement des demandes d’asile, Améliorer les conditions d’accueil

 

Six mois au lieu de quatorze, c’est l’objectif. Parce qu’une protection déclenche des droits et parce que le maintien dans une incertitude n’est pas satisfaisant, des mesures de la loi ont pour objet d’y remédier. C’est le cas de l’enregistrement de la demande en procédure accélérée si elle est faite plus de trois mois après l’entrée sur le territoire, de la notification des décisions de l’OFPRA par voie dématérialisée ou de l’absence de caractère suspensif du recours contre la décision administrative si le pays d’origine est sûr, si c’est une demande de réexamen ou si le demandeur présente une menace grave pour l’ordre public. Le recours à la vidéoaudience, déjà utilisé pour les demandeurs d’Outre-mer, est généralisé.

Députés, nous avons aménagé le délai de recours contre la décision administrative. Initialement d’un mois et réduit à quinze jours, nous avons souhaité que les demandes, même sommairement rédigés, soient recevables conciliant ainsi célérité de la procédure et droit au recours.

Mais la France doit aussi mieux protéger. Ainsi, la protection dite subsidiaire qui ouvrait droit au séjour pour une durée d’un an est étendue à quatre ans. Les personnes protégées contre un risque de mutilation sexuelle voient leur procédure allégée, les mineurs pourront solliciter le regroupement familial avec leurs frères et sœurs. L’action des députés a permis de considérer que les pays persécutant les homosexuels ne peuvent être reconnus comme sûrs.

Toujours en matière d’accueil, nous pensons aussi qu’il nous faut organiser une solidarité territoriale. Je ne souscris pas à l’idée d’une submersion migratoire, ce sont ni mes mots ni ma pensée. Toutefois, aujourd’hui 33% des demandes d’asile sont présentées en Ile de France, 10% dans l’ex-Nord-Pas-de-Calais et 10% dans la région Grand Est. La solidarité territoire doit donc être organisée pour que des personnes soient accueillies en Nouvelle-Aquitaine, Normandie ou Bretagne par exemple. C’est la raison pour laquelle un schéma directif d’orientation a été créé pour désengorger les préfectures (et donc accélérer le traitement des demandes) et proposer des hébergements.

 

Renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière

 

Sur ce second enjeu, beaucoup relève de la compétence européenne. Je l’ai évoqué quant au financement des programmes européens. Le Président a également promis, lors de sa campagne, de créer 5.000 postes de gardes-frontières européens auprès de l’agence FRONTEX. Une nouvelle solidarité territoriale est aussi à créer, dans le cadre ou en marge des négociations du règlement Dublin IV, et sur le modèle du schéma directif décrit.

Des discussions préalables au stade de l’élaboration du texte avaient permis d’écarter une notion à laquelle je suis opposé : celle de pays tiers surs. Ainsi, il demeure interdit de reconduire un ressortissant étranger vers un pays qui n’est pas celui d’origine, y compris si ce dernier est sûr. Je reste très vigilant sur ce point qui sera examiné dans le cadre de la révision des règlements européens.

Quant au texte voté, il permet de faciliter la vérification du droit au séjour en portant à 24h la durée maximale de la retenue pour vérifier l’identité, en révisant le régime de l’assignation à résidence ou en allouant une aide au retour volontaire pour les personnes placées en rétention.

La rétention a été l’un des points les plus commentés de ce projet. A juste titre, il est l’un des points les plus sensibles, personne ne peut le nier. Le texte initial proposait de porter la durée maximale de la rétention de 45 à 135 jours. A l’issue de discussions entre la majorité et le Gouvernement, la durée maximale de rétention est désormais fixée à 60 jours, renouvelables deux fois 15 jours (soit un total de 90 jours) dans l’hypothèse où il serait fait obstruction à l’éloignement.

Soulevant une question non traitée par les précédents gouvernements, la majorité a également abordée la rétention des mineurs que nous avons souhaité interdire. Ce sont 275 mineurs qui ont été retenus en 2017 en France hexagonale, principalement pour des questions de regroupement familial. En revanche, à Mayotte, ce sont 4.200 mineurs qui ont été retenus (en moyenne 12h) avant de procéder à leur éloignement, principalement dans le pays voisin des Comores. Face à ces difficultés, il a été proposé de prohiber la rétention uniquement en France hexagonale. J’y suis opposé car cela reviendrait à créer des régimes d’exception auxquels je ne souscris pas. Un groupe d’étude a donc été créé et la majorité entend déposer, avant le mois de décembre 2018, une proposition de loi pour protéger les droits des mineurs.

Enfin, à l’initiative des députés LREM, le délit de solidarité a été à nouveau aménagé. Si l’aide au franchissement de frontières demeure pénalisée, toute assistance aux personnes migrantes sans contrepartie dans un but lucratif est désormais légale.

 

Accompagner l’intégration et l’accueil des personnes en situation régulière

 

La majorité a adopté les mesures qui figuraient initialement dans le projet de loi : extension du la carte « passeport talent », de la faculté de faire venir des personnes dites « jeunes au pair », facilitation de l’entrée et du séjour d’étudiants et de chercheurs.

Mais les députés LREM ont également permis de créer de nouveaux droits pour les bénéficiaires de protection ou les personnes admises au séjour. C’est le cas du doublement du nombre d’heures dispensées pour l’apprentissage du français qui passe de 200 à 400. C’est aussi la façon dont nous avons mis un terme à l’oisiveté subie en permettant aux demandeurs d’asile présent depuis six mois sur le territoire de solliciter une autorisation de travail auprès de l’administration. Sans réponse de l’administration sous deux mois, cette demande sera réputée acceptée.

Enfin, des mesures permettent l’autorisation pour les mineurs isolés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance de conclure un contrat d’apprentissage et, en conséquence, de travailler dans ce cadre.

Le texte est désormais entre les mains du Sénat. En procédure accélérée, il fera l’objet, s’il n’est pas adopté en l’état par les sénateurs, d’une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) et, en l’absence d’accord, d’une nouvelle lecture dans chacune des chambres.

En tout état de cause, il est exact qu’une loi ne peut traiter tous les enjeux que présentent les questions migratoires. Celle que nous avons votée s’inscrit dans le cadre d’une politique globale où l’accueil et la protection ne sont pas négociables mais où le droit s’applique. Reste que des verrous plus que contestables demeurent. La clé de répartition du règlement Dublin qui renvoie systématiquement les demandeurs d’asile vers le pays dit de premier accueil (celui où ils ont posé le pied en premier) en est un. Sa renégociation comme les élections européennes doivent trouver une juste solution à ce dysfonctionnement. En organisant la solidarité entre les pays de l’Union.

 

[1] Rapport d’information sur l’application de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France présenté par MM. Jean Michel Clément et Guillaume Larrivé

 

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